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Allons-nous gagner la guerre du numérique ?




Publié par La Rédaction le 29 Mars 2022

La France et l’Europe ont toutes leurs chances d’être des actrices gagnantes de la guerre économique. Cependant, il faudra pour cela fixer un cap et s’y maintenir sans aucun écart pour assurer notre souveraineté et notre indépendance. Dans « Gagner la guerre économique, Plaidoyer pour une souveraineté économique & une indépendance stratégique », Olivier de Maison Rouge, Docteur en droit et Professeur nous partage des clés de compréhension, à l’heure où sonne la démondialisation et le retour à l’autonomie stratégique.



Le prochain gouvernement français devrait-il se composer d’un ministère du Numérique ?

À mon sens, le numérique est à ce jour tout autant stratégique que l’industrie. À ce titre, j’ai un point de vue très colbertiste, à savoir que je crois à l’impulsion de l’État dans les secteurs essentiels et déterminants, dans le cadre d’une politique d’autonomie stratégique ; aussi faut-il définir un cadre structurant et constituer un environnement favorable, appuyé sur des filières dûment accompagnées.
 
Cela repose par conséquent sur la création d’un grand ministère – et fort de – l’industrie, du commerce extérieur et du numérique. C’est la condition de la souveraineté économique et numérique.

Devrions-nous relancer un équivalent du Plan Calcul ?

Contrairement à ce qui a souvent été dit à tort, le Plan Calcul n’a pas été un échec.
 
Ce fut tout d’abord un recul politique sur un choix qui était pourtant pertinent à l’origine. C’est un manque de volonté qui a sonné le glas de ce plan. Et pourtant il a été à l’origine notamment de la société Bull (ancêtre d’ATOS pour partie) et les prémices de l’informatique française. Nous avions également hérité d’une entreprise comme Alcatel, dépouillé ensuite de ses usines qui ont été délocalisées en Asie, et vidées de ses brevets par une fusion avortée.
 
Mais au fond, le Plan Calcul répondait à cette vision colbertiste que j’évoquais plus haut.
 
Aujourd’hui, la French Tech tente modestement de relancer un élan dans le numérique. Mais l’effort est manifestement insuffisant par manque de moyens, mais surtout parce que l’environnement a été préempté depuis lors par les big tech ce qui rend difficile toute création numérique souveraine, indépendante des services ou ressources étrangers.
 
Il faudrait donc convertir cette initiative en Plan précisément, avec une volonté affichée d’indépendance technologique.

Au sein de l’Union européenne, comment pourrions-nous convenir d’une taxation de l’économie du numérique qui soit acceptée par tous les États ?

Ce fut une tentative avec la taxe dite « GAFA » qui s’est transformée en taux d’imposition minimal adopté par l’OCDE.

Tout le problème, comme vous l’évoquez dans votre question, vient de la difficulté de trouver une convergence d’intérêts parmi tous les états membres de l’UE. Il y a bien une réelle volonté de tenter de domestiquer les big tech et en particulier les GAFAM. Le RGPD de 2016 en a été le fer de lance et bientôt le digital market act et le digital service act. Mais ce sont essentiellement des textes de régulation défensive. La fiscalité est également un moins-disant.

L’Union Européenne doit être davantage à l’offensive dans le domaine technologique, à l’instar des coopérations industrielles qui ont permis la création d’Airbus, d’Ariane ou plus récemment de Galileo. Sachant que ces initiatives ne relèvent pas des institutions européennes, mais de la volonté propre d’entreprises (souvent étatiques) qui ont voulu souvent associer leurs compétences et leurs savoir-faire pour rivaliser dans les domaines industriels et technologiques face aux acteurs extraeuropéens.

Voilà un chantier qui mérite d’être lancé pour peu qu’il ne soit pas torpillé au sein des institutions au nom d’intérêts divergents comme on le voit pour l’Europe de la défense…

Pourrons-nous réellement arriver à bout des GAFAM où ceux-ci ont-ils déjà une place trop dominante face aux États ?

Le but n’est pas d’en venir à bout. Je ne conteste pas aux GAFAM ou aux BAHTIX leur hégémonie dans la mesure où ils ont su, avec une stratégie claire, gagner en compétence et imposer leur modèle.

L’erreur est de ne pas avoir su en faire autant. Pour combler ce retard, à mon sens, il faudrait non pas luter dans les mêmes domaines, mais s’emparer et investir dans les secteurs d’avenir : notamment santé et monnaie électronique.



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